Le pays
On dit que Cézanne, qui n’a guère quitté sa Provence, son Jas de Bouffan, apprenant que Gauguin s’exilait à Tahiti pour y peindre, aurait dit à son entourage: « il n’a donc pas de pays?! ». Tous les peintres n’ont pas cette notion de « pays », mais il est rare de trouver des peintres qui en soient dépourvus.
L’œuvre de Marie-Thérèse Lanoa est toute concentrée sur son « pays », son habitation des environs de Paris, sur sa rivière, son beau jardin et la vie de sa famille. Le peintre nous a donné des toiles, intérieurs, paysages, fleurs, de haute qualité. Je pense en particulier à telle admirable toile; ne cherchez pas à son sujet les influences de tel ou tel, de Derain, non plus de ses amis: Dunoyer de Segonzac, Luc-Albert Moreau ou Boussingault. C’est seulement l’œuvre d’une même génération mais toutefois d’une grande originalité.
Chez Marie-Thérèse Lanoa, la lumière est profondément entrée dans la toile, elle fait partie du scintillement de la nature et de sa vision propre. Le dessin des personnages est exprimé à grands traits, il est extrêmement vivant. Quant à la pâte peinte, elle est légère, ce qui n’était pas courant à cette époque. Vous trouverez des portraits au fusain d’une acuité peu ordinaire, et ceci des années avant ceux de Balthus.
Marie-Thérèse Lanoa était douée d’une personnalité hors du commun, ce qui explique beaucoup son amour de la peinture. C’était en grande partie sa vie. Mais pourquoi existe-t-il des peintres à juste titre célèbres, et pourquoi d’autres, modestes à l’excès, bourrés de talent, nous sont-ils quasiment inconnus?
Pierre Pinsard